Dimanche 7 avril 2013 à 08h09
Ce dimanche, nous entamons une série sur les différents métiers de l’Hermione, cette reconstruction d’un navire de guerre du XVIIIe siècle.
Depuis 1997, l’arsenal de Rochefort vit au rythme du chantier de l’Hermione, cette frégate de 65 mètres qui a porté le marquis Lafayette jusqu’en Amérique en 1780. Un comité historique suit chaque étape de la construction et l’association veille au respect du budget, déjà conséquent, ainsi qu’aux normes de sécurité. Les artisans qui s’affairent sur l’Hermione évoluent dans un compromis permanent entre le savoir-faire ancestral et les techniques modernes. L’un d’eux, Aurélien Velot, 32 ans, s’occupe de forger les 30 à 35 tonnes de métal nécessaires à l’Hermione. Il travaille en public au chantier de l’Arsenal « pour casser l’image d’Epinal de notre métier, précise-t-il. Et aussi pour tout simplement rappeler que les forgerons existent toujours. Sur le chantier, il n’y a pas de folklore, je travaille exactement comme je le ferais seul dans mon atelier. »
crédits photo: Association Hermione La Fayette
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De la rampe d’escalier au chandelier de hune
Aurélien Velot a commencé ses études par cinq années de philosophie, au cours desquelles il a réfléchi au rapport entre la pensée et l’art. Mais pendant son temps libre - « l’avantage c’est qu’on en a beaucoup en sciences humaines », précise-t-il dans un sourire – il filait dans son atelier pour sculpter. « Nous avons toujours un peu forgé dans la famille, explique-t-il. Mon grand-père était forgeron mais il est décédé avant que je commence à m’intéresser à son métier. Et puis à cette époque-là, je ne me pensais pas du tout vivre de la forge. J’ai quitté la fac pour me former à la technique car je sentais quelques limites dans mes créations puis j’ai décidé d’en faire mon métier car il fallait bien gagner sa vie. » Aurélien Velot devient alors ferronnier d’art, se lance dans la restauration du patrimoine et forge des rampes d’escalier ou des portails. « Au début, je ne devais travailler que deux mois sur le chantier de l’Hermione, nous raconte-t-il. Pas plus car je trouvais que c’était loin de mon métier d’origine. Mais finalement, je me suis pris au jeu. J’aime travailler sur une chose vivante, le bateau, et j’apprécie particulièrement la présence sur le chantier de tous les corps de métier. Nous sommes comme une petite famille autour de ce projet. » Il regrette que les différents professionnels soient moins liés dans les chantiers du bâtiment. « Nous ne voyons jamais les maçons quand nous préparons un portail, par exemple. Tout se fait sur plan et parfois il y a un écart avec la réalité. »
Un compromis permanent entre le XVIII et le XXIe siècle
crédits photo: Association Hermione La Fayette
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Alors qu’il ne connaissait rien à la navigation avant d’entrer sur le chantier de l’Hermione, Aurélien Velot ne rêve que de voir cette imposante frégate naviguer. « J’ai envie de voir comment les pièces se comportent en vrai, explique-t-il. Si le bateau restait au port, j’aurais l’impression d’avoir travaillé pour rien. » Petit à petit, le forgeron explique avoir été plongé dans le bain de la construction navale par les nombreuses discussions et les échanges de livres avec ses différents collègues. « Ce qui différencie mon métier de celui des forgerons qui ont construit le bateau original de l’Hermione, c’est l’électricité, précise Aurélien Verlot. Cela nous permet de travailler plus facilement seul, plus efficacement, mais nous n’avons pas inventé de nouveau procédé. La forge, c’est toujours du charbon et de l’air. » Sur certains éléments, les architectes imposent des soudures électriques pour des raisons de sécurité et les artisans prévoient également le recours aux techniques modernes pour rester dans le budget ou dans le planning. Ainsi, les mille crochets de l’Hermione sont découpés numériquement au lieu de la découpe au marteau. « Cela ne change rien à la pièce, précise Aurélien Verlot. En revanche on gagne de ½ heure à ¾ d’heure sur une pièce qui nécessite de 3 à 5 heures de travail. » Parfois, le forgeron combine également les techniques avec des pièces forgées et rivetées. « Les techniciens de l’époque savaient qu’ils pouvaient ainsi gagner en solidité, notamment pour l’ancre, mais cela revenait très cher », ajoute-t-il. Pour l’Hermione, la question ne s’est pas posée puisque l’ancre a été achetée à un producteur en série pour être certain d’être conforme aux tests de sécurité. « Ce serait dix fois plus cher de la forger sur le chantier », précise Aurélien Verlot qui ajoute qu’aucune pièce métallique de l’Hermione n’est entièrement historique puisqu’un traitement antirouille est systématiquement appliqué. « Il faut garder un coût de maintenance raisonnable… Et une longévité plus importante que les frégates de l’époque qui ne naviguaient que 5 à 10 ans, entre deux combats. » En 2015, l’Hermione traversera l’Atlantique jusqu’à Boston, sur les traces du bateau original et du marquis de La Fayette.
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